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Steve Biko, la conscience noire (1946-1977)
AFRIQUE INFO - FORUM DE DISCUSSIONS :: SCIENCE, CULTURE ET HISTOIRE :: Les grands noms de l'histoire des peuples noirs
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Steve Biko, la conscience noire (1946-1977)
Le 12 septembre 1977, à 31 ans, Steve Biko mourait, seul, dans une cellule de la prison centrale de Pretoria (Afrique du Sud), d'une lésion cérébrale. La photo de son cadavre gisant à même le sol, nu, couvert de plaies et d'ecchymoses fit le tour du monde grâce au journaliste britannique qui fut aussi son ami, Donald Woods, auteur de sa plus complète biographie (1979).
Arrêté le 21 août à Port Elisabeth, près de sa ville natale où il était assigné à résidence après des mesures de banissement, Biko fut amené dans les locaux de la police sécurité de la ville et interrogé à son quartier général. Roué de coups à plusieurs reprises, enchaîné et totalement dévêtu, il était dans un état déjà très grave le 7 septembre, reconnaîtront plus tard les autorités, affirmant que les médecins qui l'avaient examiné ce jour-là n'avaient pas décelé les « pourtant évidentes lésions neurologiques ». Il fallut attendre le 11 septembre pour que l'on recommande son transfert immédiat à l'hôpital. La police choisit celui de Pretoria, 1 200 km plus loin. Dans un état comateux, Steve Biko fut transporté jusqu'à la capitale dans l'arrière d'une jeep, nu et à même le sol. Son décès, pour lequel les autorités donnèrent jusqu'à huit versions différentes, fut constaté le lendemain.
Le leader charismatique du mouvement de la Conscience noire devint alors le symbole de la résistance contre l'apartheid, un des grands martyrs d'Afrique du Sud. Sa renommée atteint l'Occident - où chansons et film à succès lui furent consacrés - dépassant largement celle de Nelson Mandela à l'époque. Les liens de ce dernier avec le Congrès national africain (ANC), organisation taxée de « marxiste », voire de « pro-soviétique », avaient considérablement réduit, guerre froide oblige, les cercles qui relayaient en Europe et plus encore aux Etats-Unis la campagne de l'ANC pour la libération de celui qui allait devenir une icône mondiale à la fin des années 1980.
Né en 1946 à Ginsberg, une township noire près de King William's Town (Eastern Cape), Stephen Bantu Biko a grandi dans une atmosphère de révolte : son père Mzimkhayi fut tué par un policier blanc lors d'un rassemblement militant le 12 septembre 1951. Après une scolarité marquée par les actes de défi et d'insoumission qui lui valurent d'être expulsé du secondaire, Biko fit ses premières armes politiques à l'université de Durban, où il put s'inscrire dans la section « non européenne » de la faculté de médecine. Actif dans un premier temps dans le syndicat des étudiants crée par les Blancs libéraux, l'Union nationale des étudiants sud-africains (National Union of South African Students, Nusas), Biko décida de le quitter en 1969 pour fonder avec d'autres étudiants noirs l'Organisation des étudiants sud-africains (South African Student Organisation, SASO), dont il devint le premier président. La critique au paternalisme blanc, la question de l'émancipation des noirs et de leur prise de conscience devient alors centrale dans son discours.
Fortement inspiré par le mouvement noir non violent des Etats-Unis et comme lui influencé par la culture chrétienne, le mouvement de la Conscience noire prend son essor, surtout parmi les jeunes. Biko s'empare et développe ce concept élaboré en 1967 par le Mouvement de l'Université chrétienne, groupe non racial et œcuménique. Alors que les principales organisations anti-apartheid, l'ANC et le Congrès panafricain (Panafrican Congress, PAC), s'étaient ouvertement engagées dans la lutte armée contre l'oppression, le Mouvement de la conscience noire (Black Consciousness Movement, BCM) maintient sa posture non violente et transcende le champ politique direct. Il agit sur le terrain à travers le lancement de projets éducatifs, culturels ou sociaux. Il mène en réalité une puissante campagne de politisation : « Le principe de base de la Conscience noire est le rejet par l'homme noir du système de valeurs qui veut faire de lui un étranger dans son propre pays et qui détruit jusqu'à sa dignité humaine. » Car : « l'arme la plus puissante dans les mains des oppresseurs, est la mentalité des opprimés », avait-il lancé dans un discours à Cape Town en 1971. « Pour commencer, il faut que les Blancs réalisent qu'ils sont seulement humains, pas supérieurs. De même les Noirs doivent réaliser qu'ils sont aussi humains, pas inférieurs… »
Si l'on a pu voir dans les lignes de force du mouvement de la Conscience noire une perspective à prédominance raciale, une analyse plus approfondie permet de corriger cette perception. Contrairement au PAC qui avait dans sa doctrine de l'« Africanism » souligné la primauté des valeurs traditionnelles africaines, la création d'un Etat centré sur l'identité africaine et la mobilisation des Africains en tant que nation (Azania), le BCM, ainsi que l'avaient pensé Biko et nombre de ses successeurs, envisageait un avenir où la majorité noire aurait certes assumé le rôle dirigeant qui lui revient par la démographie et l'histoire, mais dans un contexte politique et institutionnel non-racial. Clairvoyant et lucide. Comme lorsque, trois mois avant sa mort, il déclarait : « Soit tu es vivant et fier, soit tu es mort, et quand tu es mort, tu ne peux plus t'en soucier. Ta façon de mourir peut elle-même être une chose politique (...) car si je n'arrive pas dans la vie à soulever la montagne de l'apartheid, l'horreur de la mort y parviendra sûrement. »
Arrêté le 21 août à Port Elisabeth, près de sa ville natale où il était assigné à résidence après des mesures de banissement, Biko fut amené dans les locaux de la police sécurité de la ville et interrogé à son quartier général. Roué de coups à plusieurs reprises, enchaîné et totalement dévêtu, il était dans un état déjà très grave le 7 septembre, reconnaîtront plus tard les autorités, affirmant que les médecins qui l'avaient examiné ce jour-là n'avaient pas décelé les « pourtant évidentes lésions neurologiques ». Il fallut attendre le 11 septembre pour que l'on recommande son transfert immédiat à l'hôpital. La police choisit celui de Pretoria, 1 200 km plus loin. Dans un état comateux, Steve Biko fut transporté jusqu'à la capitale dans l'arrière d'une jeep, nu et à même le sol. Son décès, pour lequel les autorités donnèrent jusqu'à huit versions différentes, fut constaté le lendemain.
Le leader charismatique du mouvement de la Conscience noire devint alors le symbole de la résistance contre l'apartheid, un des grands martyrs d'Afrique du Sud. Sa renommée atteint l'Occident - où chansons et film à succès lui furent consacrés - dépassant largement celle de Nelson Mandela à l'époque. Les liens de ce dernier avec le Congrès national africain (ANC), organisation taxée de « marxiste », voire de « pro-soviétique », avaient considérablement réduit, guerre froide oblige, les cercles qui relayaient en Europe et plus encore aux Etats-Unis la campagne de l'ANC pour la libération de celui qui allait devenir une icône mondiale à la fin des années 1980.
Né en 1946 à Ginsberg, une township noire près de King William's Town (Eastern Cape), Stephen Bantu Biko a grandi dans une atmosphère de révolte : son père Mzimkhayi fut tué par un policier blanc lors d'un rassemblement militant le 12 septembre 1951. Après une scolarité marquée par les actes de défi et d'insoumission qui lui valurent d'être expulsé du secondaire, Biko fit ses premières armes politiques à l'université de Durban, où il put s'inscrire dans la section « non européenne » de la faculté de médecine. Actif dans un premier temps dans le syndicat des étudiants crée par les Blancs libéraux, l'Union nationale des étudiants sud-africains (National Union of South African Students, Nusas), Biko décida de le quitter en 1969 pour fonder avec d'autres étudiants noirs l'Organisation des étudiants sud-africains (South African Student Organisation, SASO), dont il devint le premier président. La critique au paternalisme blanc, la question de l'émancipation des noirs et de leur prise de conscience devient alors centrale dans son discours.
Fortement inspiré par le mouvement noir non violent des Etats-Unis et comme lui influencé par la culture chrétienne, le mouvement de la Conscience noire prend son essor, surtout parmi les jeunes. Biko s'empare et développe ce concept élaboré en 1967 par le Mouvement de l'Université chrétienne, groupe non racial et œcuménique. Alors que les principales organisations anti-apartheid, l'ANC et le Congrès panafricain (Panafrican Congress, PAC), s'étaient ouvertement engagées dans la lutte armée contre l'oppression, le Mouvement de la conscience noire (Black Consciousness Movement, BCM) maintient sa posture non violente et transcende le champ politique direct. Il agit sur le terrain à travers le lancement de projets éducatifs, culturels ou sociaux. Il mène en réalité une puissante campagne de politisation : « Le principe de base de la Conscience noire est le rejet par l'homme noir du système de valeurs qui veut faire de lui un étranger dans son propre pays et qui détruit jusqu'à sa dignité humaine. » Car : « l'arme la plus puissante dans les mains des oppresseurs, est la mentalité des opprimés », avait-il lancé dans un discours à Cape Town en 1971. « Pour commencer, il faut que les Blancs réalisent qu'ils sont seulement humains, pas supérieurs. De même les Noirs doivent réaliser qu'ils sont aussi humains, pas inférieurs… »
Si l'on a pu voir dans les lignes de force du mouvement de la Conscience noire une perspective à prédominance raciale, une analyse plus approfondie permet de corriger cette perception. Contrairement au PAC qui avait dans sa doctrine de l'« Africanism » souligné la primauté des valeurs traditionnelles africaines, la création d'un Etat centré sur l'identité africaine et la mobilisation des Africains en tant que nation (Azania), le BCM, ainsi que l'avaient pensé Biko et nombre de ses successeurs, envisageait un avenir où la majorité noire aurait certes assumé le rôle dirigeant qui lui revient par la démographie et l'histoire, mais dans un contexte politique et institutionnel non-racial. Clairvoyant et lucide. Comme lorsque, trois mois avant sa mort, il déclarait : « Soit tu es vivant et fier, soit tu es mort, et quand tu es mort, tu ne peux plus t'en soucier. Ta façon de mourir peut elle-même être une chose politique (...) car si je n'arrive pas dans la vie à soulever la montagne de l'apartheid, l'horreur de la mort y parviendra sûrement. »
Source: (www.rezoivoire.net)
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